♦ Sur les murs

♦ Le MUR de Rennes

Les hôtes

Poèmes de Barbara Frieden

Je n’aurais plus l’air
D’un trompe-l’oeil,

Si vous pouviez
Un laps de seconde
Creuser, forer la ronce
Sans courber la tête
Au moindre coup d’épine
A la moindre semonce

Les yeux drapés de rouille
J'assiste au rebours
De nos dynasties anciennes
Un pavillon sans retour

Je ne peux
Enterrer la lumière
L’ombre naît de son absence
J’ai besoin de l’ombre
Pour m’allonger tout contre
Car c’est un peu de toi
Un peu de ton eau
Qui pleut à seaux

Racler les murs de salpêtre
Et rester sans sépulture
Sans lieu sûr

Le corps au cou
Le clou au coeur

A bout portant
A même l’usure

Mon corps est en famine
Roué de vent,
D’espaces infirmes

J’ai tant de malles
A remplir
Et tant de mal
A être dedans

Qu’il en devient presque invisible

Un visage aride
Un dos qui prend
La secousse muette des pierrailles détruites
J'ai beau être ferrailleur
Bûcher la terre avec toute l'ampleur de mes
Doigts tavelés
Je te répands mais ne t'apaise jamais - ma vie

A force de l'avaler par poignées
J'ai fini par l'user
Ma vie

Tu ne fus que
Blancheur foetale
Dans la morte saison ensevelie

Je tire et carillonne
L'amorce d'une accroche
Dans le sens du coeur

Le corps lui se souvient
Des étaux
Des tuyaux
Qui nous sautent à la gorge
En bande

On voudrait bien
Se délivrer
De cette gangue
Mais la mémoire prend l'eau
Du corps en nage

(Non le temps n'efface rien – il retrace)

Mes souvenirs sont les autres
Je n’ai pas d’hôtes à aimer
Le matin éclaire
Toutes sortes de mains
Qui s’en prennent à mes yeux fermés
Je n’ai pas de prise à lâcher
Seul dans ma bouche
Inondée comme une cave
Toutes sortes d’enclaves où s’alignent les dossiers
Je ne peux rien apostropher des albums sans images
Aux couleurs atrophiées
Mes souvenirs sont ceux qui disent
Ce qu’ils en disent
D’une vie rare et clairsemée

L'enfance a perdu pied
Si elle n'existait pas il faudrait
L'inventer
De qui se moque-t-on oui
De qui
Moi je ne l'invente pas
Puisqu'elle ne devrait tout simplement pas
Exister
Hélas elle est là trop là
Elle me secoue comme une envie de jouer
Au chat
Au loup glacé
Même si l'enfance a peur du froid
Et puis je n'en veux pas elle est là trop là
Hélas c'est avant qu'il fallait
Y penser

Au bord d'une déchirure
Que nul n'entend
Et les voiles pour le dire
Si le sourd ment

Mine de rien
Tu t'en vas
Dans l'air du temps

Tu vires au vent

Sur l'autel
Le feu n'en vaut
Plus la chandelle

Tout à vau-l'eau
Et on se mène
Au mot de trop

Marcher sur des œufs
Est-ce piétiner ton visage
Pour en ouvrir les yeux ?

J'ai ta ritournelle serrée
Serrée contre ma gorge
Comme des battements

Une aile
Ou deux
Deux sons clairs

Et ma robe clandestine
De ton nom

J'ai suivi les mirages d'après-guerre
Un bleu au dos des joues
A défaut d'un battement doux
J'ai mordu la poussière
Dans les glaces de la terre
Le non n'était pas ouï
Le consentement la belle affaire

On ne boit pas dans le désert

© - Conditions générales

Top